
Le prix du gaz a explosé ces derniers mois et les bailleurs sociaux ont le plus grand mal à contenir la facture des charges locatives…
La solution n’est pas de changer les systèmes. Il y a 15 ans on disait à tous les constructeurs, bailleurs sociaux comme promoteurs, qu’il fallait installer des systèmes au gaz. Et aujourd’hui, on leur dit que le gaz c’est fini et qu’il faut équiper les logements de pompes à chaleur électriques. L’exclusif, n’est jamais bon. Il faut, au contraire, anticiper les problématiques de hausse des prix ou de pénurie d’énergies et s’organiser pour avoir des systèmes mixtes et évolutifs qui puissent accueillir de nouvelles sources d’énergies (gaz renouvelables, réseau de chaleur, Hydrogène).
Votre conseil aujourd’hui aux bailleurs sociaux serait donc de ne pas se limiter à un seul système et une seule source d’énergie ?
Smart Avenir préconise d’installer des mix énergies sur les opérations neuves, c’est-à-dire des systèmes qui puissent fonctionner aussi bien avec du gaz qu’avec de l’électricité. Il faut également prioriser une consommation d’origine renouvelable, (électricité renouvelable produite à partir de solaire, hydraulique ou éolien, gaz renouvelable produit à partir de nos biodéchets).
Sur l’ancien, en revanche, je considère que l’urgence est d’attendre, ne pas se précipiter pour changer les systèmes. Dans l’immédiat, il est plus judicieux de travailler sur les enveloppes. S’il y a des investissements à faire, ils doivent tout de suite se focaliser sur l’isolation du bâtiment afin de réduire au maximum les consommations. Quelle que soit l’énergie et le système qu’on adoptera par la suite, limiter le besoin sera toujours une solution pertinente qui protège durablement les locataires.
Le contexte est tellement changeant aujourd’hui qu’il vaut mieux préparer le coup d’après. Un bâti moins énergivore sera toujours plus simple à chauffer et moins consommateur. Aujourd’hui, il est urgent d’investir dans l’enveloppe pour agir sur la sobriété du bâtiment, qui peut aller jusqu’à 50 % de réduction de consommation, et parfois au-delà.
Pour un bailleur social, prendre une décision aujourd’hui, qui engage son avenir sur les 15 ou 20 prochaines années, est un vrai casse-tête. Comment identifier la bonne décision ?
Difficile de dire quelle serait cette bonne décision. En revanche, je sais quelle serait la mauvaise. Ce serait une décision exclusive qui ne laisserait aucune alternative. Tout ce qui est exclusif est risqué. Pourquoi changer tout de suite toutes les installations gaz alors qu’il est possible de les verdir avec du biogaz et être dans les bonnes étiquettes DPE simplement en changeant la source d’énergie ?
Sauf que le gaz vert n’est pas reconnu par les autorités comme une énergie décarbonée…
Oui, mais juste à côté de chez nous, l’Allemagne reconnaît et prend en compte le biogaz. On peut espérer que la France le fasse aussi un jour. Nous travaillons avec l’AR Hlm et avec l’USH pour convaincre les pouvoirs publics. Nous étudions avec certains bailleurs, notamment Logirem, des situations réelles et concrètes et nous mesurons les consommations de façon très fine pour pouvoir extrapoler une sorte de DPE virtuel avec du biogaz en remplacement du gaz naturel Le résultat est que nous arrivons à gagner entre 1 et 2 niveaux d’étiquettes.
Pour un particulier, en individuel, le prix du gaz naturel est aujourd’hui de 10 centimes le kWh. Celui du gaz vert est de 12 centimes. Mais s’il permet de passer à une autre catégorie d’étiquettes, la différence de prix n’est plus significative. Nous travaillons avec les bailleurs à objectiver la situation (démonstrateurs : exemples réels, concrets et mesurés) pour donner des éléments concrets à l’AR Hlm et à l’USH de manière à ce qu’elles puissent peser efficacement sur la décision du gouvernement. Nous n’y arriverons peut-être pas tout de suite, mais nous devons être sûrs d’être sur la bonne voie. Le bon sens finira par s’imposer.
Vous dites qu’il ne faut pas se précipiter pour changer les systèmes ?
Non, surtout pas. Il faut changer les consommations, innover sur les process de production. Nous ne savons pas stocker l’électricité, la solution des piles ou des batteries ne marche pas à grande échelle. Mais si, par exemple, nous transformons l’électricité en gaz, par exemple en hydrogène, nous pouvons alors la stocker, en tout cas nous pouvons stocker l’énergie qu’elle véhicule. A Manosque, il y a des cavités naturelles dans la roche, des sortes de grottes qui s’avèrent être étanches et qui pourraient tout à fait stocker les nouvelles générations de gaz renouvelables comme l’hydrogène. Nous y travaillons. Il y a une filière qui ne demande qu’à se développer et qui pourrait partir depuis notre région Sud.
En conclusion, que pourrait-on dire aux bailleurs sociaux ?
Isoler le bâti en priorité, ne pas changer les modes de chauffage et attendre. Les solutions sont en train d’arriver.