JEAN VIARD : “LES BAILLEURS SOCIAUX DOIVENT CONSTRUIRE DES LOGEMENTS ADAPTABLES”

JEAN VIARD : “LES BAILLEURS SOCIAUX DOIVENT CONSTRUIRE DES LOGEMENTS ADAPTABLES”

(Photo Editions de l’Aube)

Sociologue, directeur de recherches au CNRS, Jean Viard estime que l’enjeu majeur des années à venir sera le logement des personnes âgées. Il prône également une écoute ouverte des aspirations des gens qui, selon lui, mettent de plus en plus l’art de vivre en priorité dans leurs vies.

En tant que sociologue, vous êtes intervenu lors du séminaire annuel de l’Association régionale et de la Caisse des Dépôts. Comment les bailleurs sociaux peuvent-ils anticiper les évolutions de la société ?

Je leur ai dit qu’il n’y a qu’une seule chose dont on peut être absolument sûr, c’est que “nous ne savons pas”. Nous ne pouvons pas savoir comment va évoluer la société. Nous savons comment elle évolue aujourd’hui. Les gens veulent du plaisir, l’art de vivre est de plus en plus important. Les vies sont de plus en plus fractionnées. Mieux vaut 40 m2 avec vue sur la mer que 70 m2 avec vue sur le mur d’en face. Il faut rester souple, construire des choses qui peuvent évoluer dans le temps et écouter ce que disent les habitants.

On peut tout de même essayer d’anticiper des demandes ?

On peut effectivement être certain que la question des personnes âgées va se poser de façon cruciale. Tous les seniors ne pourront pas, et ne voudront pas, aller en maison de retraite. 48 % d’entre eux rêvent déjà de déménager vers leur région d’origine ou de vacances. La relation en distance mère-fille doit être pensée. Ce n’est pas rétrograde, c’est juste accepter que dans notre société, ce sont plutôt les filles qui s’occupent de leurs parents. On peut sans doute favoriser une évolution du rôle des fils.

On parle de bouleversements dans les modes d’habiter. Vous en percevez quelques-uns ?

Dans les couples bi-actifs, on ne pense plus sa maison par rapport au travail, mais par rapport à l’école. Et dans un monde où le travail ne pèse plus que 10 % de son temps de vie, la qualité de vie du village ou du quartier devient essentielle. Les évolutions ne font que commencer. Ce qui est sûr, c’est que les différents groupes sociaux n’ont pas accès de la même manière à ces bouleversements. A l’heure où tout devient discontinu, le travail, la famille, le logement, certains en sont encore à se battre pour une stabilité, même toute petite.

Mais quand on construit un logement aujourd’hui, il n’est amorti qu’au bout de 30 ans…

Eh bien, les organismes Hlm vont devoir innover. En étant convaincus qu’ils ne savent pas, les bailleurs sociaux doivent construire des choses souples, adaptables, qui pourront évoluer facilement. Bouygues fait déjà ça, en concevant des logements qui pourront être utilisables de différentes façons. En Hollande, déjà aujourd’hui, on expérimente l’achat de mètres carrés virtuels. Vous achetez 100 m2 à 18 ans, vous n’en consommez que 20 en tant qu’étudiant et vous percevez le loyer des 80 autres. Et quand vous êtes vieux, vous n’avez plus besoin que de 40 m2 et vous louez les 60 qui restent. Vous n’êtes plus propriétaire d’un logement, mais d’un droit à vous loger.

BIO

Jean Viard est diplômé en économie (DESS) et docteur en sociologie

Il est directeur de recherche au Cevipof (centre de recherches politiques de Sciences Po Paris)

Fondateur des Editions de l’Aube à la Tour d’Aigues (84), il a été vice-président de la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole (2008-2014) et candidat aux législatives 2017 sous l’étiquette LREM.

 

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