LAURENT GHEKIERE : “L’EUROPE EFFECTUE UNE RÉVOLUTION CULTURELLE SUR LE LOGEMENT SOCIAL”

LAURENT GHEKIERE : “L’EUROPE EFFECTUE UNE RÉVOLUTION CULTURELLE SUR LE LOGEMENT SOCIAL”

Laurent Ghékière est directeur des Affaires européennes de l’Union sociale pour l’habitat. Basé à Bruxelles, il témoigne d’un  changement radical de la Commission européenne dans sa conception du logement social, d’une refonte en cours des règlements des fonds FEDER vers une application plus large et se dit très surpris de l’évolution inverse que semble prendre le gouvernement français.

Le message que vous êtes venu apporter aux bailleurs de PACA, lors du séminaire annuel de rencontre avec la Caisse des Dépôts, c’est que l’Europe vient d’adopter une nouvelle définition du logement social. En quoi est-ce essentiel ?

Il y a eu ces derniers temps un événement important pour l’Europe, c’est le Brexit. Les dirigeants de la Commission se sont aperçus qu’il y avait un vrai rejet des institutions européennes au sein des populations. Il fallait donner une autre image de l’Union européenne, une image plus sociale.

Comment cette volonté s’est-elle traduite dans les textes ?

Pour compenser l’approche macro-économique dominante, on a décidé d’introduire des objectifs sociaux et d’afficher un “socle européen de droits sociaux”, dont l’accès au logement social, qui est désormais considéré comme prioritaire par l’Union. Son accès n’est plus uniquement réservé à une population défavorisée, mais concerne maintenant “toute personne dans le besoin”. C’est une vraie révolution culturelle, compte tenu de la pratique de la Direction “concurrence”. Une “personne dans le besoin”, cela peut-être tout le monde dès lors qu’on traverse une mauvaise passe dans la vie et quelle que soit la nature du besoin en logement.

Il est vrai qu’il est un peu difficile de voir là une révolution culturelle…

Jusqu’à présent, il avait été très difficile d’arriver à faire classer par l’Europe le logement social généraliste dans la catégorie des “services d’intérêt économique général”, SIEG dans le jargon européen. C’est en raison de ce classement que les bailleurs sociaux français peuvent bénéficier des fonds FEDER pour la rénovation thermique, sous la forme de compensations de service public. Mais la conception du logement social était définie comme “résiduelle”, c’est-à-dire réservé aux plus démunis. Chaque fois qu’il y a eu une réforme du logement dans un des pays membres, elle se traduisait par une réduction du champ d’application du logement social.

Cette nouvelle définition va permettre un changement de politique ?

Total. Le modèle français devient une référence pour l’Union en matière de rythme de production de logements abordables et de rénovation thermique soutenue par l’Europe. A Bruxelles, on travaille déjà à la réforme des fonds FEDER après 2020, avec  une approche beaucoup plus large et non plus uniquement basée sur le volet thermique. Il est très paradoxal de constater qu’au même moment, le gouvernement français semble évoluer dans une direction totalement opposée à celle de l’Union.On casse la machine HLM au moment où il faudrait la consolider et la déployer dans l’Union européenne.

Bio

Laurent Ghékière est titulaire d’une maîtrise d’économie internationale et d’un doctorat d’économie appliquée (DEA)

Il est actuellement directeur des Affaires européennes de l’Union sociale pour l’habitat, auprès de l’Union européenne à Bruxelles

Il a occupé d’autres postes, parmi lesquels directeur du Centre européen d’études immobilières, chargé d’études à la direction des études économiques de l’UNFOHLM, chargé de mission à la mission Europe de l’UNFOHLM et président de l’Observatoire européen du logement social pour “Housing Europe”

Print Friendly, PDF & Email