Caroline Giran : « Le PLH doit veiller à ce que l’économie locale puisse se développer harmonieusement »

Caroline Giran est directrice générale adjointe de la métropole Toulon Provence Méditerranée, chargée de l’habitat, des solidarités et de la citoyenneté.

© TPM

Le 31 mars dernier, vous avez accueilli, sur le territoire de TPM, la journée de travail et d’échanges sur le logement des jeunes organisé par l’Association régionale et l’Union régionale Habitat jeunes. C’est une thématique importante pour la Métropole ?

Une politique en direction des jeunes est un des axes forts du mandat. Cela concerne les conditions de vie, la mobilité et bien sûr le logement. Nous l’avons acté à la fin 2021 dans les engagements de la CIA (convention intercommunale du logement) qui cible le public jeune comme un public prioritaire. La métropole a également construit des partenariats avec les associations mobilisées pour l’accompagnement social des jeunes vers le logement. Le partenariat avec l’Union régionale Habitat jeunes en est un exemple, au travers du dispositif « Inné » que nous voulons développer avec les bailleurs du territoire. Les actions que nous menons au titre du Logement d’abord peuvent aussi être orientées vers les jeunes.

Vous avez répondu à l’appel à manifestation d’intérêt qu’a lancé l’Etat pour le Logement d’abord et la métropole a été retenue comme territoire pilote d’accélération du dispositif. Pourquoi avoir candidaté ?

Le Département a transféré à la Métropole plusieurs compétences, notamment la gestion du FSL. Jusqu’alors, nous agissions sur l’habitat, sur la construction, sur les structures. Désormais, nous sommes aussi sur ce que j’appellerais le « soft », la demande, l’accompagnement social. C’est une nouvelle orientation que prend la métropole. Le Logement d’abord est une formidable opportunité pour optimiser cette action, mieux comprendre la demande, mieux y répondre et affiner le service rendu.

Ce travail sur le Logement d’abord permet en premier lieu une meilleure interconnaissance des partenaires. Chacun travaille traditionnellement dans sa partie, en silo, et l’approche permet un décloisonnement et un échange entre partenaires. Cela nous permet également de travailler au développement de l’intermédiation locative (IML) en faisant en sorte que, là aussi, s’établissent des passerelles entre les acteurs de l’hébergement et ceux du logement. Le décloisonnement donne à nos actions une force décuplée.

Vous parliez du « soft », il y a aussi le « hard », l’offre nouvelle de logements, la construction. Votre territoire, tout comme l’ensemble de la région, a du mal à atteindre les objectifs fixés de production de logements sociaux. Comment comptez-vous faire évoluer la situation ?

C’est la grande question. Il y a beaucoup de pression sur ce sujet. Sur les douze communes de la métropole, huit font l’objet d’un constat de carence. Mais ça n’est pas pour autant qu’elles arriveront à faire ce qui n’est pas faisable ou réaliste. Je me permets d’indiquer qu’il n’y a pas dans ces communes de volonté de ne pas faire de logements sociaux. Toutes les communes ont la volonté de faire au mieux, carencées ou pas. Toutes ont la volonté d’améliorer la qualité de vie et le quotidien de leurs habitants. Mais le contexte est difficile. Chez nous, même la promotion privée a du mal à se développer.

Pour autant, nous ne sommes pas restés inertes, loin s’en faut. Est-ce que vous savez que la ville de Toulon est la première ville de plus de 100 000 habitants à avoir connu en France la plus forte augmentation démographique ces dix dernières années ? Et le phénomène diffuse également sur l’ensemble du département du Var. Il faut pouvoir absorber toute cette population nouvelle. Nous nous y employons, et notamment au travers de l’élaboration de notre 3ème PLH. Nous en sommes pour l’heure en phase diagnostic.

Mais nous sommes parfaitement conscients que nous allons devoir économiser un foncier qui était déjà rare. Le « zéro artificialisation nette » en 2050 nous contraint à orienter ce PLH vers du renouvellement urbain, de la recherche de densification, la requalification de l’existant (les copropriétés dégradées, les logements vacants…). Il y aura quelques poches de foncier libre sur lesquelles les maires pourront conduire des actions et qui permettra la réalisation plus classique de logements neufs, mais ce devra être réduit.

Quels objectifs pensez-vous fixer pour ce PLH ?

C’est encore trop tôt pour le dire. La phase actuelle, celle du diagnostic, va identifier les grandes pistes sur lesquelles nous devrons travailler. Ensuite, il y aura la définition précise des objectifs. Nous prévoyons une adoption de ce 3e PLH à la fin 2023.

La loi 3DS a desserré un peu l’étau sur l’obligation du quota SRU de logements sociaux, et l’Etat est conscient des contraintes que nous rencontrons : préservation du paysage, Loi Littoral, périmètre de Parc National, zones agricoles… Nous construirons avec l’ensemble des partenaires un PLH réaliste et intelligent qui devra permettre d’accueillir toutes les populations, car la mixité du public et la mixité des fonctions sont essentielles. Le tissu économique local a besoin d’accueillir des cadres (CSP +) par exemple et nous n’avons pas suffisamment de logements pour le faire. Le PLH doit veiller à ce que l’économie locale puisse se développer harmonieusement.

Vous parliez des exigences de la Loi Climat et du « zéro artificialisation nette ». Pour intervenir sur les centres anciens, souvent plutôt dégradés, les bailleurs sociaux ont développé une véritable expertise. Vous comptez les solliciter ?

Bien sûr. Nous les avons encouragés à se mobiliser sur le dispositif d’acquisition-amélioration. C’est effectivement dans ce domaine que les souhaits des communes vont porter dans les prochaines années. Nous savons aussi, tout comme eux, que ce sont des opérations plus difficiles à équilibrer financièrement parce que plus coûteuses. Nous en avons appelé à l’Etat pour nous accompagner et cibler des aides spécifiques sur ces opérations d’acquisition-amélioration. Nous lui avons également demandé de se pencher sur la question des normes de construction, qui sont adaptés à des constructions neuves ex-nihilo, mais qui sont trop contraignantes dans la réhabilitation de l’ancien parce qu’elles renchérissent considérablement les opérations. Les premières discussions que nous avons eues avec les services de l’Etat nous laissent présager une véritable écoute sur ces questions.

La construction de la ville sur la ville, c’est aussi les opérations Anru dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV)…

C’est un axe du PLH que nous étudions. Dans certains quartiers, le PLU laisse encore des droits à construire. Quand on est proche des transports en commun, on peut envisager de densifier certains sites, y développer des centres de vie, avec services et commerces. Nous recherchons ces zones en lien avec les maires, et en conformité avec le PLU. Sur ce sujet, comme sur bien d’autres, il faut sortir du « yaka ». La piste est très intéressante à suivre, mais nous allons l’objectiver par l’observation sur le terrain et la projection réaliste de nombre de logements à réaliser.

Là aussi, vous êtes amenés à travailler main dans la main avec les bailleurs sociaux. Quelle est votre position vis-à-vis de l’AR Hlm ?

L’Association nous permet justement d’harmoniser nos approches avec les bailleurs. Dans le cadre de la politique de la ville, elle nous accompagne, par exemple, sur la question de l’abattement sur la TFPB et l’utilisation des sommes investies par les bailleurs. De façon basique, c’est une ressource fiscale qui échappe à la collectivité et il nous importe de suivre l’impact de ces projets générés par l’abattement de la TFPB sur ces quartiers.

Nous comptons aussi beaucoup sur l’AR Hlm pour être à nos côtés dans la mise en place de la réforme de la demande et des attributions (gestion en flux et cotation). Il y a d’autres thématiques pour lesquelles il nous importe également d’échanger avec l’AR Hlm, comme par exemple le PLAI Adapté ou le Plan Logement d’abord.

BIO

  • Après une formation à Sciences-Po Aix, un DEA à Aix-Marseille-Université et un Doctorat en sciences économiques à l’Université de Toulon, Caroline Giran est Maître de conférences à Sciences-Po de 1999 à 2014.
  • Elle est ensuite directeur de cabinet du maire d’Hyères (2014-2017),
  • Directeur de l’action territoriale de la métropole Toulon Provence Méditerranée à partir de 2018,
  • Et directeur général adjoint Habitat, Solidarités et Citoyenneté depuis janvier 2021
Print Friendly, PDF & Email