David Ytier : « Nous sommes favorables à l’établissement de règles d’encadrement de la Vefa »

David Ytier est conseiller métropolitain depuis janvier 2016, vice-président de la métropole Aix-Marseille-Provence (AMP), délégué au logement, à l’habitat, et à la lutte contre l’habitat indigne depuis décembre 2020. Il est par ailleurs adjoint au maire de Salon depuis 2014. Cette rencontre s’inscrit dans la série d’entretiens que nous avons lancés auprès des élus en charge des thématiques logement ou politique de la ville dans les grandes métropoles régionales.

Photo © AMP

Vous avez invité dans vos locaux le 7 décembre dernier les bailleurs sociaux qui interviennent sur le territoire de la métropole pour échanger avec eux. C’est une démarche nouvelle, qu’ils ont appréciée. Pourquoi une telle invitation ?

C’est la première réunion de ce genre et ce n’est pas la dernière. Je solliciterai régulièrement ce type de rencontre informelle, probablement une fois par semestre minimum. C’est la méthode du « jouer collectif » voulu par la présidente de la Métropole Martine Vassal. Si nous voulons travailler ensemble, et je le souhaite, nous devons aussi échanger. Chacun doit mieux comprendre la position de l’autre. Je suis pour une coproduction des conditions de réalisation de logements sociaux sur le territoire métropolitain. Je fais le même travail avec tous les acteurs, les élus, les maires, les promoteurs privés. Nous n’y arriverons que tous ensemble. Et ce genre de réunion d’échanges, où la parole est totalement ouverte, nous permet de donner du sens à notre action, d’identifier les besoins, les obstacles et les pistes de résolution. Ce 7 décembre, nous avons abordé plusieurs thèmes essentiels, le rôle d’aménageurs des bailleurs sociaux, la production globale, la Vefa, l’acquisition-amélioration…

Une des grosses interrogations du monde Hlm est la rédaction du programme local de l’habitat (PLH) de la métropole. Repoussé une première fois, il semble qu’il peine à être élaboré…

Non, nous sommes plutôt dans une évolution positive, totalement mobilisés pour que ce document soit adopté le plus rapidement possible. Les travaux pour établir le diagnostic sont achevés et celui-ci est en train d’être présenté aux différents partenaires. Nous travaillons en ce moment sur les orientations pour finaliser une rédaction définitive à la mi 2022. Ce sera un document à partager entre les 92 communes qui devront l’entériner pour ensuite pouvoir le mettre en œuvre et il y aura pour finir une consultation avant un vote définitif qui pourrait intervenir je l’espère à la fin de l’année 2022.

Ce sera un PLH ambitieux et réaliste. Ambitieux parce qu’il est indéniable que nous avons des retards à rattraper, réaliste parce qu’il ne sert à rien de se donner des objectifs qui seraient inatteignables.

Sur la production de logements sociaux, justement, la métropole a marqué le pas ces dernières années. Comment comptez-vous relancer le processus ?

En premier lieu grâce au PLH, bien évidemment. C’est lui qui va remettre de l’ordre et retrouver le chemin d’une production en hausse. Nous avons effectivement marqué le pas, comme vous dites, mais c’est un phénomène régional et même national. Cela dit, nous devons identifier localement les causes et trouver les solutions. Nous le ferons en actionnant tous les leviers à notre disposition, il n’y a pas de réponse miracle. Dès lors que nous pourrons agir, nous le ferons, sans négliger aucune piste. Les garanties d’emprunt, par exemple, vont être facilitées et nous avons déjà modifié le règlement métropolitain pour favoriser tous les projets innovants, dont le BRS (bail réel solidaire), qui bénéficieront d’une garantie de la Métropole à 100 %. Nous allons actionner tous les leviers possibles.

Je veux également renforcer les liens avec les bailleurs sociaux. La réunion du 7 décembre ne sera pas la dernière, je le disais. Nous nous verrons très régulièrement, tous ensemble, pour identifier les freins rencontrés, et trouver des solutions pour les résoudre. Nous sommes prêts à tout entendre de nos partenaires, car nous sommes élus pour trouver des solutions. C’est ce que souhaite la présidente de la Métropole. L’Association régionale est un relais précieux pour moi dans cette optique. Plus nous travaillons ensemble, plus nous trouverons de solutions.

On peut annoncer des objectifs de production pour les années à venir ?

C’est un travail à faire en concertation avec tous les acteurs, là aussi. Plusieurs réunions de concertation sont prévues dans les semaines qui viennent, notamment avec les communes. Je garde mon cap, celui de l’ambition et du réalisme. Mais je ne veux pas faire d’effets d’annonce. Nous allons bâtir ensemble nos objectifs, nous afficherons des chiffres précis dans le PLH, donc, courant 2022.

La métropole AMP a répondu à l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) lancé par l’Etat pour être territoire d‘accélération du plan Logement d’abord. Pour quelles raisons ?

Nous l’avons fait conjointement avec la Ville de Marseille. D’abord, parce qu’une métropole de la taille et de l’importance d’Aix-Marseille-Provence se doit de participer à des efforts nationaux lorsqu’ils sont demandés. Ensuite, parce que, je le disais à l’instant, toute notre stratégie en matière de logement consiste à jouer sur tous les leviers possibles. La philosophie de l’action Logement d’abord est de toucher un public qui a besoin qu’on agisse, un public trop précaire pour être en capacité de se prendre en main seul. Nous sommes dans les prémisses d’un parcours résidentiel à reconstruire et c’est essentiel.

Et puis, la démarche Logement d’abord ne peut être réussie que si tous les acteurs concernés se coordonnent, les élus, les collectivités locales, les opérateurs, les associations d’accompagnement social et les bailleurs. C’est une démarche partenariale que je veux mettre en avant à tous les niveaux de la production de logements sociaux.

Enfin, ce qui ne gâche rien, cet AMI va nous permettre d’accéder à de nouveaux financements et d’avancer dans la bonne direction.

La lutte contre l’habitat indigne fait partie de vos responsabilités en tant que vice-président. On sait que la rénovation des centres anciens dégradés est un challenge important sur le territoire de la métropole, et pas seulement à Marseille. Quelles actions envisagez-vous ?

Nous ne partons pas d’une feuille blanche. La lutte contre l’habitat indigne a déjà été lancée. Il y a plusieurs dispositifs, plusieurs leviers qui donnent déjà des résultats. Nous avons instauré le permis de louer à Marseille dès 2019, puis sur d’autres territoires de la Métropole. Et nous envisageons d’élargir la mesure prochainement. Nous lançons des DUP (déclarations d’utilité publique) pour récupérer de la maîtrise foncière. Nous aidons les propriétaires, à Marseille comme ailleurs, par exemple à travers des OPAH. Nous participons au Plan Initiatives Copropriétés lancé par l’Etat. Bref, les dispositifs existants sont déjà multiples et mériteraient d’ailleurs d’être rationnalisés et simplifiés pour une meilleure lecture de l’action métropolitaine.

Pour autant, nous avons besoin d’être toujours plus opérationnel. Je vois bien que les résultats partiels obtenus ne donnent pas l’impression d’un vrai résultat global. Nous allons y arriver avec la SPLA IN qui va intervenir sur le périmètre du Projet partenarial d’aménagement de Marseille (1000 hectares) et prioritairement sur 4 ilots dès le deuxième semestre 2022. Et on va alors commencer à réellement voir des choses se passer. On a besoin de financements hors norme, ces interventions sur les centres anciens demandent des investissements très lourds que la métropole ne peut pas supporter seule. Nous attendons le comité national d’engagement de l’Anru en mars 2022 pour solliciter la solidarité nationale. A partir de là, nous pourrons signer des concessions d’aménagement avec la SPLA IN qui lancera des opérations et des chantiers.

Comment envisagez-vous la place des bailleurs sociaux dans ces opérations ?

Centrale ! Nous devons avoir un partenariat fort avec les bailleurs sociaux. D’abord parce que ces quartiers de centres anciens historiques possèdent peu de logements sociaux. Et ils sont habités le plus souvent par des gens très modestes. Le logement social de fait doit être remplacé par du logement social de droit. C’est une responsabilité de la collectivité.

Et puis, si on veut produire globalement plus de logements sociaux, il faut aussi en produire sur le bâti existant. La lutte contre l’étalement urbain, le zéro artificialisation nette, nous y obligent. Intervenir sur le parc existant, construire la ville sur la ville, comme on dit, est aujourd’hui un impératif. Et c’est valable pour tous les centres historiques de nos communes. Marseille, bien sûr, mais je pense aussi à Aubagne, à Marignane, à Salon-de-Provence, à bien d’autres… Les bailleurs sociaux seront des partenaires incontournables.

Certes. Mais vous comprenez aussi que pour eux le coût de ces opérations est un obstacle…

Je comprends très bien qu’il soit très difficile de réaliser 4 à 5 logements en diffus dans un centre ancien et surtout ensuite d’organiser la gestion locative. Mais nos cœurs de ville méritent toute notre attention, ils sont l’âme de nos villes et révèlent un potentiel incroyable. J’ai plusieurs idées pour permettre aux bailleurs sociaux d’y intervenir plus souvent tout en maintenant un équilibre économique. Nous en parlerons ensemble et avec l’AR Hlm. Il faudra d’une part organiser leur intervention, pour contourner ces obstacles. Je souhaite que nous avancions vite sur ce sujet. Mais il faudra aussi interpeller ensemble l’Etat pour instaurer des conditions dérogatoires aux normes de construction pour les opérations d’acquisition-amélioration dans les centres anciens.

Je pense par exemple qu’il faut élargir le périmètre des opérations dites « de compensation ». Permettre à un bailleur de construire un programme neuf sur un terrain communal pour « équilibrer » une équation économique avec un programme de rénovation dans le centre ancien, c’est une solution, mais ça n’est pas toujours possible dans la même commune. Nous pourrions avoir cette approche à une échelle du bassin de vie, voire métropolitaine. La Métropole peut faciliter cette vision. L’équilibre pourrait être atteint grâce à une opération dans une autre commune. Je pense même que nous pourrions signer une Charte en ce sens avec les bailleurs. Qu’en pense l’Association régionale ? Les bailleurs sont-ils prêts ? La question a été posée lors de notre rencontre du 7 décembre et nous y travaillerons pour aboutir dans les prochains mois.

Vous faisiez allusion à la Vefa au début de cet entretien…

Oui, nous sommes favorables à l’établissement de règles d’encadrement de la Vefa. D’abord parce que la production se fait massivement en Vefa aujourd’hui. Ensuite, parce que les prix s’envolent. Et enfin, parce que les maires me font remonter de plus en plus de situations où l’absence de règles fait naître une concurrence entre bailleurs qui n’est pas acceptable et qu’ils ne comprennent pas. Il faut en sortir. La Métropole veut fixer des règles. Mais je ne veux pas que nous imaginions dans notre coin un encadrement qui ne conviendrait pas aux bailleurs sociaux. Faisons-le ensemble. Je propose à l’AR Hlm que nous mettions en place un groupe de travail dédié, en associant aussi les promoteurs.

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