Nouveau DPE : des inquiétudes fortes sur la fiabilité des diagnostics

L’Association régionale a initié la première réunion d’échanges et de réflexion sur la nouvelle méthode de calcul du DPE, qui prend en compte de façon plus importante l’impact environnemental et les émissions de gaz à effet de serre. Si les fluctuations à attendre dans le classement des étiquettes semblent rester marginales, les conditions de réalisation de ces nouveaux DPE posent de vrais problèmes. 

L’Association régionale vient de lancer un groupe de travail sur la question du DPE (diagnostic de performance énergétique). Ce groupe prend place dans le cadre du « Club Maîtrise d’ouvrage », un des quatre clubs de réflexion que l’AR Hlm a initié pour produire des idées et des approches innovantes sur les thématiques quotidiennes rencontrées par les bailleurs sociaux. 

La première séance de ce groupe de travail s’est déroulée le 24 mars dernier pour poser la problématique du renouvellement des étiquettes énergétiques. La réglementation a évolué récemment pour renforcer la lutte contre la non-décence et faire entrer dans l’établissement du DPE des considérations liées à la décarbonation et les émissions de gaz à effet de serre (GES). 

Ce « DPE 2021 » va petit à petit supplanter l’ancien DPE au fur et à mesure que de nouveaux diagnostics vont être réalisés. Ces nouvelles mesures vont-elles être neutres ou vont-elles impliquer un changement d’étiquettes dans le parc social ? Et si oui, dans quelle proportion ? Comment vont être réalisés ces nouveaux DPE ? Seront-ils fiables ?  

Le groupe de travail se propose de répondre à toutes ces questions pour permettre aux organismes Hlm de prendre leurs décisions en toute connaissance, notamment en ce qui concerne la stratégie de rénovation de leur parc.   

Paca en pole position 

En démarrant cette première réunion de travail, qui a réuni une trentaine de participants, Clarisse Outrey, chargée de mission « climat et résilience » à l’AR Hlm, présente une carte des régions de France qui détaille les pourcentages des différentes étiquettes énergétiques dans le parc social. Avec 9 % d’étiquettes E, F ou G, la région Paca est en pole position (ex-aequo avec Occitanie). La moyenne nationale se situe à 18 %, quand les Hauts-de-France sont à 25 % et la Corse à 15 %.  

Qui plus est, non seulement Paca est la région qui possède le moins de « passoires énergétiques », mais encore, elle possède le plus d’étiquettes A, B ou C : 64 % (à égalité avec la Corse et Pays de la Loire). La moyenne nationale est à 46 %. Une situation globale plutôt positive, donc.  

(photo Florent Léonardi)

Des extrapolations difficiles à réaliser d’un DPE à l’autre 

En préambule, Rémy Vasseur, responsable du département « énergie et bas carbone » à l’USH, présente en visioconférence un état des lieux des évolutions réglementaires entre le DPE 2012 et le DPE 2021. Il rappelle les dates des futures échéances fixées par la loi. Au 1er janvier 2025, les logements étiquetés G ne pourront plus être loués. L’échéance est fixée au 1er janvier 2028 pour les logements F et au 1er janvier 2034 pour les logements E. 

Il y a plusieurs éléments qui peuvent laisser penser à une détérioration de la note finale dans le nouveau DPE : l’utilisation très importante du gaz ces dernières années, dont le bilan GES n’est pas très bon, une partie du parc assez ancienne pour laquelle le DPE n’est pas très fiable et 3 postes de consommation analysés dans l’ancien DPE contre 5 postes dans le nouveau.  

Quelques éléments sont en revanche favorables : de bonnes nouvelles sont toujours possibles (un DPE amélioré) compte tenu de la mauvaise fiabilité des anciennes mesures, l’élaboration du nouveau DPE sera menée de façon plus minutieuse car le résultat sera opposable aux tiers, la maîtrise d’ouvrage des organismes sera plus fine et enfin, le « DPE immeuble » sera plus facile à réaliser puisque par définition les immeubles appartiennent au même bailleur.  

Rémy Vasseur précise que l’étude que l’USH a commandée à Erese (Energie, réseaux, environnement) vise à objectiver l’impact de la nouvelle méthode DPE et non pas une analyse qualitative du parc social. Cette étude fait ressortir des disparités importantes d’un diagnostiqueur à l’autre et une distribution globale des étiquettes pratiquement inchangée. Mais à cause du faible échantillon, il n’est pas possible de tirer des conclusions statistiques généralisables. 

Il fait état de deux autres études déjà réalisées. Selon l’Observatoire national de la rénovation énergétique (ONRE), sur la base d’une analyse de 300 000 logements (dont quelques dizaines de milliers de logements sociaux), le nouveau DPE ferait doubler les étiquettes A et B en France, avec, dans le même temps, une augmentation « inquiétante » des F et G. Selon le CSTB, sur la base de 1,5 million de logements étudiés (dont 300 000 logements sociaux), il y aurait beaucoup moins de A et de B, mais aussi moins de F et de G. On voit que les extrapolations, à l’heure d’aujourd’hui, sont difficiles à réaliser.  

Les étiquettes A, B ou C peu impactées par le nouveau DPE 

Jessica Malnar, responsable régionale sud-est du bureau d’études Erese, présente ensuite les résultats d’une enquête menée pour le compte de l’USH sur les étiquettes énergétiques et le comparatif ancien et nouveau DPE.  

Après avoir brossé un panorama de la répartition des logements locatifs sociaux en Provence-Alpes-Côte d’Azur et en Corse, elle pointe la présence des logements E, F ou G : ils représentent moins de 10 % du parc social régional et sont plutôt concentrés dans les départements alpins, construits pour la grande majorité avant 2000.  

La « projection » des nouveaux DPE en comparaison avec l’ancienne méthode fait apparaître une tendance générale à la stabilité, avec quelques étiquettes E qui pourraient « monter » en D et quelques étiquettes F qui pourraient être dégradées en G. Les deux régions pourraient conserver un parc doté de 65 % de logements de classe A, B ou C et voir abaissés ceux de classe F ou G.   

Des participants plutôt inquiets 

Appelé à témoigner de sa propre expérience en la matière, Var Habitat a préféré tout de suite donner la parole à la salle, se disant plutôt « très intéressé » par les avis des autres bailleurs. Chacun des bailleurs présents était en fait dans le même esprit et les échanges ont été vifs et nombreux, sur un sujet qui préoccupent fortement les équipes de tous les organismes Hlm.  

Faut-il contrôler les diagnostiqueurs ? Faut-il en embaucher en interne ? Quels sont les retours d’expérience dans ce domaine ? Autant d’interrogations qui ont pu s’exprimer, mais qui ont trouvé pour l’instant peu de réponses, à part l’assurance que le diagnostic ne sera pas valable s’il est pratiqué en interne, même par un diagnostiqueur. L’organisme ne peut pas être juge et partie. Les bailleurs seront donc obligés de faire appel à des cabinets extérieurs. 

Beaucoup témoignent de leur inquiétude. On s’aperçoit que les diagnostics sont faillibles et qu’il est difficile de faire totalement confiance à un diagnostiqueur. De plus, le DPE est valable une dizaine d’années, les règles changent à peu près à ce rythme (voir le DPE 2012 et celui de 2021), « nos travaux engagent nos organismes sur 30 ou 35 ans ». Les bailleurs font remarquer qu’ils font déjà des audits énergétiques pour programmer leurs travaux sur le patrimoine. « Un DPE, qui est moins fiable que ces audits, pourra dégrader toutes nos étiquettes et nous obliger à de très lourds investissements, sans qu’on sache vraiment si on doit lui faire confiance ».  

Comment faire quand on a un logement étiqueté F dans une résidence où il côtoie des C et des D ? D’autres bailleurs disent avoir vérifié a posteriori les DPE étiquetés F ou G, « ils sont souvent faux ! » Il semble aux bailleurs que les diagnostiqueurs « font réellement ce qu’ils veulent » et ça créé une grande panique.  

A partir de maintenant, le DPE est réglementaire, donc il faut absolument le réaliser. « Du coup, les agences sont surchargées de commandes et elles embauchent au plus vite des diagnostiqueurs peu ou mal formés. » Il y a un réel problème de formation des diagnostiqueurs pointé unanimement par tous les participants de la réunion. « Des gens mal formés vont nous contrôler sur des choses qui engagent notre stratégie à plusieurs millions d’euros. C’est extrêmement inquiétant. » 

Pour Rémy Vasseur, s’il y a effectivement une action nationale à mener sur la formation des diagnostiqueurs, il y a aussi, tout autant crucial, un problème de collecte des données en amont qu’il faut absolument fiabiliser. Il précise que l’USH s’est rapprochée de la DHUP (Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages) au ministère de la Transition Ecologique pour aborder les modalités de fiabilisation des DPE (formation des diagnostiqueurs, fiches d’information, sondages…), ainsi qu’avec l’Ademe pour avoir un accès à leur base de données et établir un projet de conventionnement.  

En conclusion, Clarisse Outrey et Florent Léonardi (directeur adjoint de l’AR Hlm) réaffirment la volonté de l’Association régionale de se mobiliser autour d’une veille active sur la question et l’organisation régulière de rencontres d’échanges dans le cadre du Club Maîtrise d’Ouvrage.  

(photo © DR)

Contact : Clarisse Outrey / coutrey@arhlmpacacorse.com

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