Sandrine Bordin : « Action Logement sera un peu plus exigeant sur les critères énergétiques »

Sandrine Bordin, présidente du directoire de Logis Méditerranée. (photo © DR)

 

Sandrine Bordin est directrice régionale Paca et Corse d’Action Logement.  

Vous venez de prendre depuis quelques mois la direction régionale d’Action Logement sur les deux régions Paca et Corse. Quels sont vos projets pour 2023 ? 

Nous sommes dans une année de transition. La convention quinquennale qui lie Action Logement à l’Etat a pris fin en 2022 et nous devons signer une nouvelle convention pour la période 2023-2027. Nous avons fait une proposition d’engagement à Olivier Klein, le ministre du Logement, qu’il n’a pas encore validée. Cela étant, pour 2023, notre budget est reconduit comme chaque année, à la différence près qu’il a été amputé de 300 millions d’euros au niveau national, qui ont été transférés au FNAP.  

Dans la région, quel est le budget dont vous disposez ? 

En 2022, sur Paca et Corse, Action Logement a investi 135 millions d’euros pour aider à la réalisation de 11 288 logements. Cette somme concerne les opérations de droit commun, les logements adaptés et le programme de renouvellement urbain. Sur la période 2018 – 2022, tous produits confondus, en Paca et en Corse, nous avons investi 539 millions pour 47 420 logements. 

Pour 2023, l’enveloppe est en cours d’arbitrage. Nous devrions réunir les bailleurs sociaux incessamment pour la leur présenter, avec une répartition des sommes par départements. Nous allons mettre au point une cartographie précise des interventions prévues. 

Quels sont vos critères pour accompagner des programmes immobiliers ?  

D’une façon générale, nous avons une mission qui nous est confiée, celle de loger les salariés des entreprises. C’est une mission d’utilité sociale, celle de soutenir la mobilité résidentielle des actifs. Nous gérons les fonds du PEEC (participation des employeurs à l’effort de construction, NDLR) et nous devons agir pour loger à des prix abordables les salariés des entreprises. Il y a plusieurs grandes thématiques sur lesquelles nous intervenons plus particulièrement.  

L’une d’elles concerne la question du logement des jeunes actifs et des cadres moyens. Elle est particulièrement cruciale ici. Dans certaines régions tendues, notamment sur le littoral de Provence-Alpes-Côte d’Azur, il y a des situations telles que les jeunes ne peuvent pas se loger à des prix abordables pour eux. EDF, par exemple, envisage d’embaucher 1 000 collaborateurs sur leur site de Bonneveine à Marseille et le problème du logement est crucial pour accueillir toutes ces personnes et leurs familles.   

La situation des jeunes actifs, les moins de 30 ans, et notamment en alternance, est préoccupante. Nous cherchons à mettre en place une vision « micro-économique », au plus près des besoins, avec des partenaires ciblés, pour répondre aux besoins de ces jeunes. Il s’agit pour nous de travailler avec les bailleurs sociaux, les promoteurs privés, aussi bien que les gestionnaires de résidences dédiées. Et cela, de Marseille à Nice et jusqu’à Avignon. La question de l’accompagnement est essentielle. 

Vous intervenez dans les grandes agglomérations, mais aussi sur les petites communes… 

Oui, dans le cadre du programme « Action cœur de ville » lancé par l’Etat en 2018 qui cible la réhabilitation des centres anciens des bourgs. Dans nos deux régions, 15 communes sont concernées*, mais il faut que la municipalité soit volontaire. Nous privilégions les projets qui refont la ville sur la ville, qui mettent en avant une certaine sobriété foncière. L’attractivité, le développement économique, la redynamisation des centres anciens, la création d’équipements publics… les thèmes sur lesquels nous intervenons sont nombreux, et là encore, en partenariat avec des opérateurs, bailleurs sociaux ou promoteurs.  

Dans le cadre de ce programme « Action cœur de ville », Action Logement peut distribuer des subventions ou proposer des prêts, à destination des communes aussi bien que des opérateurs. Nous venons en complément des aides éventuelles de l’Anah.  

 … et sur les opérations de renouvellement urbain ? 

Il y a de gros enjeux dans le NPNRU (Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain, NDLR), à Nice et surtout à Marseille. Nous sommes un acteur important de ce programme, notamment à travers Action Logement Services (ALS) et notre filiale Foncière Logement. 

A Marseille, il y a aussi le challenge que constitue le Programme Partenarial d’Aménagement (PPA) dans le centre ancien où l’habitat est plutôt en mauvais état. Plus des deux-tiers des réhabilitations pourraient être menées par les bailleurs sociaux, avec l’aide de la SPLA-IN et 25 % par Foncière Logement.  

Vous serez présents, dans le cadre du PPA, auprès des bailleurs sociaux ? 

Bien entendu, mais nous allons être un peu plus exigeants au titre des financements 2023 en ce qui concerne la réhabilitation énergétique et la décarbonation. Un appel à manifestation d’intérêt va être lancé avec la Banque des Territoires.  

Cette exigence environnementale s’appliquera sur la construction neuve, mais elle sera également de mise sur les acquisitions-améliorations pour lesquelles nous n’allons plus distribuer de subventions, mais uniquement des prêts.  

Au-delà de cette exigence énergétique, y aura-t-il d’autres nouveautés dans votre approche en 2023 ? 

Nous avons un objectif opérationnel bien défini qui sera d’accompagner davantage d’opérations en BRS ou en PSLA. En 2023, nous espérons loger à travers ces dispositifs un nombre de familles 30 % supérieur à 2022 pour atteindre 8 000 familles. Nous allons travailler étroitement avec les bailleurs sociaux pour atteindre cet objectif au travers de l’utilisation forte de l’outil Action Logement Immobilier. Nous allons exploiter les données que nous avons concernant la typologie des familles et leurs ressources pour effectuer des arbitrages dans les opérations présentées par les bailleurs. Et nous travaillerons en ciblant des grands comptes, comme La Poste, par exemple. 

Concernant les attributions de logements, le législateur a souhaité que les bailleurs sociaux mettent en place une gestion en flux des logements pour leurs réservataires, et non plus en stock comme c’était le cas jusqu’à présent. Comment allez-vous gérer cette évolution ?  

Nos équipes travaillent avec l’AR Hlm pour déterminer ensemble une position de référence. Un premier document de travail devrait être présenté au Conseil d’Administration de l’Association régionale. Nous allons pouvoir arriver à nous mettre d’accord sur les grands principes, les grands critères au niveau régional. Nous irons ensuite rencontrer les organismes Hlm les plus implantés dans la région, et au travers de ces nombreux échanges bilatéraux, nous espérons pouvoir signer des conventions bipartites, avec chaque bailleur, au plus tard le 31 décembre.  

Il y a pour l’instant deux territoires expérimentaux en Paca, Nice Côte d’Azur et Sophia-Antipolis. Nous travaillons avec eux aussi bien qu’avec l’AR Hlm et avec les bailleurs qui représentent 80 % du flux. La négociation se passe sereinement. Au final, je pense qu’il faudra prévoir des aménagements par organisme et par territoire.  

Ce problème des attributions nous inquiète moins que la capacité des bailleurs sociaux à produire. Si on produit peu, ce sera d’autant plus difficile d’intégrer la gestion en flux. Nous aimerions pouvoir établir avec les organismes Hlm (avec tous les organismes, qu’ils soient OPH, ESH ou Coopératives) une programmation le plus en amont possible. Et nous serons désormais très attentifs aux livraisons qui devront suivre.  

Vous parlez de la production de logements sociaux. Elle n’a effectivement pas été à la hauteur de l’objectif fixé cette année, notamment dans les métropoles régionales. Quelle est votre marge d’actions pour dynamiser cette production ? 

Je sais que la relance est difficile, pour des raisons multiples. Nous travaillons pour notre part sur la piste de l’innovation qui peut être un bon moyen de booster la construction neuve : le logement transitoire, la mobilité, les jeunes, la double résidence… Il nous faut rapprocher le salarié de son lieu de travail, faire disparaître les territoires « inabordables » pour un salarié lambda, répondre aux besoins des entreprises où qu’elles soient.  

Il y a deux grosses problématiques pour lesquelles il va falloir que tous les acteurs de la construction travaillent réellement main dans la main, car aujourd’hui nous n’avons pas de solutions. Tout d’abord, celle qui concerne les travailleurs saisonniers. Ils sont nombreux dans nos régions parce que l’activité touristique y est importante. Il nous faut trouver tous ensemble les moyens de loger cette catégorie de travailleurs. Les bailleurs sociaux peuvent y prendre une large part.  

Ensuite, nous avons le problème de l’alternance. Tous ces jeunes apprentis qui travaillent à temps partiel dans nos entreprises et qui suivent des cours en même temps. Ils n’ont pas d’énormes moyens pour se loger. Il nous faut leur proposer des logements qui soient abordables pour eux.   

Notre volonté est d’être de plus en plus présents sur le territoire aux côtés des opérateurs, les bailleurs sociaux, les promoteurs et bien sûr les collectivités locales, les communes. Nous assumons une mission d’intérêt général et nous voulons rester totalement à l’écoute de tous les acteurs pour les aider à produire des logements.  

 

* En Provence-Alpes-Côte d’Azur : Digne et Manosque (04), Briançon et Gap (05), Grasse et Vallauris (06), Arles et Tarascon (13), Brignoles et Draguignan (83) et Avignon, Carpentras et Cavaillon (84). En Corse : Ajaccio et Bastia.  

  

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