Alexis Rouque : « Nous partageons les enjeux du logement social »

Alexis Rouque est directeur régional de la Banque des Territoires.

© Cour des Comptes

Comment analysez-vous la production 2021 de logements sociaux, bien en deçà des objectifs fixés ?

En 2021, nous avons accordé un milliard de prêts aux organismes Hlm sur la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Cela correspond à la production de 7 500 logements neufs et 4 900 logements réhabilités. C’est beaucoup et c’est peu à la fois. Nous sommes effectivement en deçà de la réalité des besoins et en deçà de la production d’il y a 3 ou 4 ans.

Il y a deux raisons fondamentales à cette situation. La première est conjoncturelle, elle découle de la crise sanitaire que nous avons vécue. L’immobilier en général, et la construction de logements collectifs en particulier, ne se portent pas bien. Et donc, la production Hlm, qui se réalise au moins pour moitié en Vefa, en pâtit. La deuxième raison est qu’il est aujourd’hui de plus en plus difficile de produire du logement social. C’est un phénomène qui n’est pas spécifique à la région. Les réticences des élus ne sont que le reflet des réticences de la population.

Pour ces raisons, il devient très compliqué de porter des opérations de logements sociaux, qui plus est dans un contexte régional où le foncier est rare et cher. Dans une telle situation, produire plusieurs milliers de logements est déjà une réussite de la part des opérateurs. Je les trouve plutôt volontaires et imaginatifs.

Mais on reste tout de même en deçà des besoins.

Comment faire pour atteindre les objectifs fixés pour 2022 ?

Il va falloir continuer à être résilient. Le secteur Hlm a une très grande capacité de résilience. J’en veux pour preuve sa combativité devant la transformation en profondeur qu’impose la loi Elan, la mutation économique très rapide induite par la RLS, la contrainte sur le foncier que fait peser le « zéro artificialisation nette » et la pression sur les coûts de construction. Le secteur déploie une énergie énorme pour faire face à tous ces défis avec une réussite indéniable. Je reste confiant pour 2022.

Vous êtes un partenaire historique du logement social. Comment allez-vous accompagner les organismes ?

Nous avons mis en place une gamme de produits financiers très diversifiée qui nous permet de coller au plus près des besoins des bailleurs sociaux. Nous avons toujours les prêts classiques sur le Livret A que tous les bailleurs connaissent et qui financent les PLAI, les PLUS et les PLS. Nous avons aussi les prêts à la réhabilitation, les éco-prêts, les prêts spécifiques pour la rénovation urbaine et les prêts de haut de bilan qui s’apparentent à des fonds propres.

Depuis quelque temps, nous pouvons également émettre des titres participatifs qui nous permettent d’abonder au capital des organismes, et donc de consolider leurs fonds propres, sans pour autant intervenir dans leur gouvernance. C’est un produit qui a trouvé sa place et qui fonctionne bien. Nous en avons distribué une dizaine en 2021.

Nous adaptons nos réponses aux différentes structures d’organismes, les ESH n’ont pas les mêmes besoins que les OPH, mais nous avons toujours une réponse adaptée. L’accompagnement est notre maître-mot.

Selon quelles modalités ?

D’une façon générale, nous nous tenons quotidiennement à la disposition des organismes pour les conseiller, les aider dans leurs démarches et leur proposer un service optimisé. Nous signons par exemple désormais des conventions d’engagements globaux sur des montants financiers pluriannuels. Cela simplifie considérablement l’octroi des prêts au coup par coup. Nous avons mis en place ce système avec tous les organismes qui sont habituellement des utilisateurs importants et récurrents des prêts sur Livret A. L’ensemble des processus s’en trouve nettement simplifié.

Le Livret A, justement. La hausse du taux ne va-t-elle pas poser problème ?

C’est effectivement un sujet de préoccupation légitime pour les organismes Hlm. La Banque des Territoires fait le maximum pour minimiser l’impact de cette hausse sur les finances des bailleurs sociaux. Nous avons mis en place des mécanisme de lissage de cette hausse qui font que cet impact reste aujourd’hui soutenable.

Il ne faut pas oublier que le financement du logement social par le Livret A, la transformation d’une épargne liquide en prêts sur le très long terme, reste un système pertinent et très vertueux.

Vous parliez des réticences des élus. Comment lever ces réticences ?

Dans le cadre de nos interventions auprès des maires, nous leur faisons régulièrement passer des messages. Il ne faut pas oublier que nous sommes également un banquier partenaire des collectivités locales. Non seulement nous leur prêtons les sommes nécessaires aux financements de leurs projets, mais nous investissons aussi sur leurs territoires. A travers ces partenariats, nous pouvons agir sur l’image du logement social et venir en appui des actions menées par les services de l’Etat au travers de la mise en œuvre de la loi SRU.

Nous sommes également partenaires du Palmarès régional de l’habitat qui valorise et démystifie les réalisations de logements sociaux dans la région. Et nous avons décidé de porter un discours volontaire sur le sens économique que revêt le logement social. Rien ne servira de mener des actions dans le cadre du Plan de Relance si on ne peut pas loger les salariés. Le salaire net médian en France se situe aux alentours de 1 900 euros, le logement social est la solution qui permet de pouvoir loger les travailleurs modestes. Des secteurs économiques entiers butent sur cette question du logement. Les bailleurs sociaux participent ainsi au développement économique des communes. C’est un message que nous portons régulièrement auprès des maires.

Vous parliez de foncier rare et cher en Paca. Que pensez-vous de l’outil que constitue l’organisme de foncier solidaire ?

C’est un très bon outil. La dissociation du foncier et du bâti, qui débouche sur le bail réel solidaire, est un système qui peut débloquer des situations. La Banque des Territoires peut appuyer le dispositif et apporter des prêts sur très long terme qui permettent d’accompagner ce portage du foncier. C’est très positif en termes de parcours résidentiel pour certains ménages, mais nous ne sommes plus dans le locatif.

Comment vous situez-vous par rapport à d’autres organismes bancaires qui distribuent également des prêts aux bailleurs sociaux, la BEI, par exemple, ou la Banque du Conseil de l’Europe ?

Nous ne sommes pas concurrents. La Banque des Territoires distribue d’ailleurs des prêts BEI aux organismes Hlm. Pour les bailleurs sociaux, nous sommes plus qu’une banque, nous agissons en véritable partenaire. Nous nous tenons aux côtés des bailleurs dans la durée, nous sommes des conseillers et des accompagnants. Nous partageons leurs actions de lobbying et œuvrons au développement de l’offre de logements.

Nous apportons régulièrement des services supplémentaires et complémentaires. Nous intervenons au-delà de la seule construction de logements. Nous venons, par exemple, de créer « Logivolt » qui finance les équipements de bornes de recharge électrique des véhicules dans les parkings. Un produit qui intéresse les bailleurs sociaux désireux de faire évoluer leurs parcs de stationnement.

Nous avons un produit fléché sur la production d’énergie renouvelable. Nous venons de créer un financement spécifique qui concerne les copropriétés dégradées, un prêt dédié pour les opérateurs Hlm qui achètent plusieurs logements dans le cadre d’un plan de réhabilitation. Nous privilégions une approche innovante dans notre accompagnement des organismes.

Quelles sont vos relations avec l’Association régionale ?

Nous avons des relations excellentes avec l’AR Hlm. C’est notre interlocuteur privilégié dans le secteur. Nous organisons régulièrement des événements ensemble, comme, par exemple, le webinaire que nous avons monté en début d’année dans lequel nous avions invité élus locaux et services de l’Etat. Nous partageons une stratégie commune avec l’AR Hlm, nous partageons les enjeux de production, nous partageons un accompagnement très proche des organismes.

Nous avons d’ailleurs en ce moment un projet d’étude commun qui consiste à identifier la part des travailleurs modestes dans le parc social. Pour mieux documenter l’apport essentiel dont je parlais tout à l’heure du logement social dans le développement économique des territoires.

BIO

  • Après une formation en droit et finances publiques, Alexis Rouque a été conseiller référendaire à la Cour des Comptes de 2006 à 2010
  • Il est ensuite conseiller technique puis directeur de cabinet du ministre du Logement (2010-2012),
  • Directeur général des Ports de Paris entre 2012 et 2016,
  • Conseiller référendaire à la Cour des Comptes, et délégué général de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) de France jusqu’en novembre 2021, date à laquelle il est nommé
  • Directeur régional Paca de la Banque des Territoires.
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